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Maurice Ronet: "Le célibat est une maladie!"

Après vingt-cinq années de cé­libat (et un bref mariage avec Maria Pacôme), Maurice Ronet va renoncer à sa solitude pour épouser celle qui partage désor­mais sa vie : Joséphine Chaplin, comédienne elle aussi, et d'une tradition prestigieuse, s'il en est!

Côté cinéma, Maurice Ronet et Joséphine Chaplin travaillent déjà souvent ensemble, comme dans « A l'ombre d'un été » ou dans « Folies douces » que Mau­rice Ronet a mis lui-même en scène. Il vient aussi de partici­per au tournage de « Bloodline », une super-production au fabu­leux budget de 19 millions de dollars, qui réunit Audrey Hepburn, Romy Schneider, Irene Papas, Omar Sharif et bien d'autres grands noms encore. C'est Terence Young qui dirige ce film qui s'annonce exception­nel.

Pour Maurice Ronet, qui a tâté de la mise en scène dans des conditions financières pré­caires et qui connaît, en tant qu'interprète, les difficultés du cinéma français, cette partici­pation à une super-production américaine était l'occasion de faire le point sur le cinéma français. Un point qu'il fait avec le franc-parler et l'indé­pendance d'esprit qui le carac­térisent.

— Le cinéma français a sur­tout besoin de souffle. Il faut sa­voir qu'à partir du manque d'argent, on peut encore s'expri­mer au cinéma. De toutes fa­çons, comme le cinéma français n'est pas riche, il faut bien faire avec... J'estime qu'on peut toujours dire ce qu'on a à dire, même à travers des limites res­treintes, c'est une question d'imagination! Ce qu'il faudrait par contre, c'est que la produc­tion intéresse davantage de gens pour qu'il y ait davantage de films; donc, oui il faudrait plus d'argent, pas pour faire des films plus chers, mais pour en faire davantage.

Il ne doit pas se cloisonner dans de petites histoires, et sur­tout dans de petits thèmes. Il faut essayer de faire monter le cinéma français d'un cran.

Je crois que le grand défaut du cinéma français, c'est d'être trop banal. Les comédies françaises sont toujours soit criti­ques, soit pamphlétaires. Il n'y a pas cette vision un peu poétique du cinéma, qui, en fait, n'est pas une vision qui coûte cher. Il n'y a qu'à regarder le der­nier film de Bunuel pour s'en convaincre.

Le public est beaucoup plus sensible au thème qu'à l'his­toire, seulement le thème ce n'est pas ce qu'il y a de plus facile à faire. Il vaut mieux raconter une histoire, comme cela on joue sur du velours. Or, nous racontons des histoires qui, à mon avis, ne sont pas très intéressantes, qui sont un petit peu « gnan-gnante » à l'instar de la morosité française. Il faut essayer de s'élever au-dessus de la mêlée, comme disent les hommes politiques.

 

LE CINEMA FRANÇAIS SE REGARDE LE NOMBRIL

Certains disent que le cinéma français est moribond, d'autres qu'il y a de bonnes choses, selon vous où est la vérité ?

—  C'est vrai que le cinéma français est dans la pagaille, parce qu'il n'y a pas d'argent, et puis je crois qu'il y a une crise qui est inhérente au carac­tère français. Les Français, lors­qu'ils sont mécontents, se réfu­gient derrière ce qui est leur qualité et leur principal défaut, c'est-à-dire le raisonnement et l'analyse des petites choses. Ils se replient trop facilement sur eux-mêmes. Or, le cinéma fran­çais en est l'exemple. Il se re­garde un peu le nombril, et ce n'est pas notre nombril qui inté­resse tellement de gens à l'étranger. Notre cinéma s'est sclérosé sur de petites histoires qui ne sont pas très intéres­santes, qui n'ont ni la grandeur, ni le souffle, ni l'humour du cinéma italien. Pour un Claude Sautet ou un Pierre Granier-Deferre, il y a plein de jeunes réalisateurs qui se noient dans des histoires à la mode et pas­sées de mode, qui ne sont sou­vent que de petites anecdotes, qu'ils pourraient aussi bien ra­conter dans les journaux qu'au cinéma.

Pensez-vous qu'il y a trop d'amateurisme dans ce métier?

—  Sûrement! c'est toujours le miroir aux alouettes. A une époque où l'homme de la rue est mis en vedette par la télévision et par les journaux, le vedet­tariat, vu sous l'angle de la popularité, est une chose qui attire énormément de gens. Alors, quand ils ne savent pas chanter, ils font du cinéma! Ceci n'a pas grande importance, car les espèces caduques se détruisent d'elles-même ! Ils font un film, ils en font deux, et puis après, ils laissent tom­ber, car c'est trop compliqué.

C'EST LE BEURRE QUI A FAIT LE SUCCES DU «TANGO»!

Avez-vous été irrité par cette mode qui consistait à mettre de l'érotisme coûte que coûte dans chaque film ?

—  C'est irritant comme tous les systèmes! Ce système-là est un peu plus irritant que les autres parce qu'il est grossier, et puis, à partir du moment où on déshabille quelqu'un sur un écran, on fait du folklore, et on perd complètement le fil de ce qu'on voulait dire. En tous cas, on le fait perdre au spectateur parce que tout d'un coup, il regarde les gens d'une autre manière que comme des personnages. Dans un film, ce qui est intéressant, c'est le thème. Or, en déshabillant les gens sur l'écran ou en leur faisant faire l'amour, on risque de faire perdre la notion du thème au public.

Estimez-vous malgré tout que dans certains cas, cela se justi­fie quand même ?

—  Je ne vois pas du tout dans quel cas cela pourrait se justi­fier. Quand on vient me racon­ter que « Le dernier tango à Paris » a été un succès parce que c'était le drame d'un type de cinquante ans qui tombe amoureux d'une fille de vingt ans, cela me fait un peu rigo­ler! C'est tout de même la motte de beurre qui a fait les un million et demi d'entrées! Non, c'est la pire hypocrisie! Il y a un très beau sujet à écrire et à faire sur un quin­quagénaire qui tombe amou­reux d'une fille de vingt ans, mais on peut très bien le faire, sans passer par là, non seule­ment c'est un film qui m'a irrité, mais qui m'a révolté et que j'ai trouvé ignoble et ordurier. D'au­tant plus ordurier que c'est camouflé et hypocrite !

Croyez-vous qu'ils s'atten­daient à un tel succès ?

—  Ils l'ont bien fait pour ça, non? Pensez-vous qu'on fasse des choses aussi ignobles en se disant : « Mon Dieu, pourvu que les gens comprennent! » Maintenant c'est une mode qui est passée.

 

 

LA TENTATION DE BOIRE...

Selon vous, l'âge d'or du ci­néma français est-il terminé ?

—  Il est certain que l'époque des L'Herbier, Carné, c'est- à-dire l'époque d'avant-guerre où le cinéma français était au mieux de sa forme, est bien terminée. Aujourd'hui, le ci­néma français des jeunes réali­sateurs, n'est pas un cinéma de confiance. Ce n'est pas un ci­néma qui prouve qu'ils ont confiance en eux ou en leur ta­lent. C'est un cinéma analyti­que, un peu étriqué, qui est un petit peu le reflet de la société française.

Il y a longtemps qu'on ne vous a pas proposé un role aussi marquant que celui que vous aviez dans « Ascenseur pour iéchafaud ou « Le feu follet ». Etes-vous déçu ?

—  Vous savez, la carrière d'un acteur est faite de hauts et de bas. J'ai toujours eu une car­rière en dents de scie. Mais n'allez pas imaginer que je fais de la mise en scène pour me recycler! Je fais de la mise en scène pour éviter d'aller dans les bistrots, car je dépenserais cette énergie à autre chose. Quand je suis dans un creux, comme en ce moment, j'écris. J'ai toujours été ce qu'on appelle un marginal.

Vous dites que le fait de faire de la mise en scène vous em­pêche d'aller dans les bistrots, mais le métier que vous faites, ne pousse-t-il pas souvent à boire ?

—  C'est vrai que c'est un mé­tier qui est grisant. C'est vrai que c'est un métier qui est fait d'émotions fortes. J'ai connu des pilotes de course qui se saoulaient la g... à mort, il y en avait même beaucoup à l'épo­que! On ressent terriblement le vide dans ce métier-là quand on ne l'exerce pas, on a l'im­pression d'être un moteur qui tourne à vide et qui s'emballe au point mort. Alors, il faut quelquefois alimenter cela : c'est l'alcool, la drogue ou autre chose. C'est vrai que c'est un métier qui incite à boire. Mais en ce qui me concerne, c'est un métier qui m'a empêché de tomber dans l'alcoolisme. La conscience professionnelle m'a tiré d'affaire. Quand on a une équipe qui vous attend, il faut être là. On n'a pas le droit de les faire attendre! Bref, ce métier me donne des horaires impérieux que j'aurais eu du mal à me créer si j'avais fait autre chose.

Les comédiens disent souvent que leur vie est plus sage qu'on ne l'imagine et qu'ils seraient incapable de jouer et de veiller à la fois, car c'est un métier physique. Etes vous un acteur sage ?

—  Non, pendant très long­temps, j'ai continué le jour dans la nuit et je ne me suis pas ménagé de ce côté-là. Mainte­nant, c'est différent! Comme disait Antoine Biondin quand il avait un livre à écrire : « Je vais prendre sur mes heures de bis­trot». Je suis sage par la force des choses, pas du tout par sa­gesse.

Je crois que vous avez surpris tout le monde annonçant votre mariage, car vous déclariez vous-même récemment, être un  célibataire endurci! Ne vous êtes-vous pas étonné vous même?

—  Ah oui, oui! Je n'avais même jamais vécu à deux. Je ne savais pas ce que c'était! J'ai été marié pendant un an avec une femme admirable, Maria Pacôme, mais c'était en 1952. Dans le cas présent, Joséphine est arrivée. Elle a tout balayé en trois éclats de rire, y compris tous mes fantasmes qui m'avaient conduit jusqu'à la conclusion qu'il était trop tard et que c'était fini. C'est peut- être aussi parce que je pensais qu'il était trop tard, et que cette idée devenait insupportable.

 

LE MARIAGE N'EST PAS DEMODE!

Dans le livre que vous avez publié l'année dernière, «Le métier de comédien » vous dites « Je crois que si je n'avais pas fait ce métier, j'aurais eu une vie privée tout aussi désastreu­se ». Considérez-vous que le cé­libat est un désastre ?

—  Oui, bien entendu! Le céli­bat est une maladie qui s'ac­croche à vous. On ne sait pas très bien pourquoi, et on tombe dans un cercle vicieux, parce que plus on attend, plus on est exigeant et moins on a de chance. On finit par avoir avec les femmes des rapports très su­perficiels. C'est très embêtant de passer à côté de cet univers qui est important. Je ne pense pas que l'homme soit fait pour vivre seul. Je ne pense pas non plus qu'il soit fait pour vivre à deux. Chaque condition a ses difficultés et le célibat en a beaucoup plus qu'on pourrait le penser! La vie d'un célibataire, c'est un peu une vie de trouillard. Dès que les choses de­viennent un peu sérieuses, on fout le camp parce qu'on a la trouille. J'ai été trouillard pen­dant très longtemps, et mainte­nant peut-être que je le suis un peu moins.

Quelle importance attachez- vous au mariage, par rapport à l'union libre ?

— Le mariage est très impor­tant, on ne se marie pas pour divorcer. Les gens qui prônent l'union libre, en étant contre le mariage, prouvent l'impor­tance du mariage. Ils donnent tellement d'importance au ma­riage qu'ils sont contre. Le mariage est une institution, c'est comme les clous. On tra­verse dans les clous, ou on ne traverse pas dans les clous. Le jour où je me remarierai, ce ne sera pas pour divorcer, ce sera définitif. En fait, ce n'est pas le mariage qui a de l'impor­tance, c'est la fidélité, c'est ce qu'on veut faire d'un autre par rapport à soi, et c'est parce que c'est important que je ne me suis jamais remarié.

Ne craignez vous pas que certains considèrent votre opi­nion comme démodée ?

—  Je me fous éperdument d'être à la mode ou de pas l'être, à partir du moment où j'émets cette opinion, elle est émise en 1979, je ne vois pas en quoi elle est démodée. Cette notion de démodé ou de « à la mode » me fait frémir!

Etes-vous d'un tempérament jaloux ?

—  Par rapport aux femmes, par rapport à l'amitié, oui. Je ne suis pas du tout sûr de moi et j'ai toujours tendance à in­terpréter les choses en ma dé­faveur. Pendant des années, j'ai vécu dans le célibat, je n'ai eu confiance en personne. Encore moins en moi qu'en quiconque. Il est donc normal que dans les rapports qui existent entre un homme et une femme, il y ait des domaines qui m'échappent complètement. La jalousie, c'est un peu le trac de l'âme.

LES POLITICIENS? DES COMEDIENS !

Maurice Ronet et la politique ? Vous y intéressez-vous, ou la trouvez vous trop envahissante?

—  Je trouve que les hommes politiques devraient maintenant s'intéresser aux acteurs de ciné­ma, étant donné que la plupart des hommes politiques devien­nent des acteurs de cinéma ! Je trouve surtout qu'ils parlent trop et que cela débouche sur la confusion. La politique ne m'in­téresse pas beaucoup. Ce qui m'intéresse, c'est une certaine idée morale de notre société, mais pas la politique en elle-même, qui est affaire de spécia­listes. Est-ce que je leur deman­de, moi, de venir jouer Caligula?

Voyez-vous les femmes diffé­remment maintenant que lors que vous aviez vingt ou trente ans?

—  Je n'ai jamais pensé qu'une femme puisse avoir besoin de moi, j'ai surtout pensé à ce que je pouvais tirer d'elle, ce qui est très égoïste, évidemment. C'est la première fois que je com­mence à regarder quelqu'un qui pourrait avoir besoin de moi, il faut dire qu'il y a une certaine différence d'âge entre nous.

D'après vous, la différence d'âge est un élément positif?

—  Pour l'instant, je touche du bois! Qu'est-ce que ça va être dans dix ans, je n'en sais rien. J'ai peur que la différence d'âge aille en s'accentuant.

Bernard ALES

© Ciné-Revue № 10, 1979


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